Déjà dix jours se sont écoulés depuis le clap de fin du congrès des écologistes ! Ce fut une période intense pour toutes celles et tous ceux qui y ont activement participé. J’en garderai de nombreux souvenirs, notamment celui de la solidarité et de la bonne humeur au sein d’une magnifique équipe, celle de Faire Gagner l’Écologie, la sensibilité à laquelle j’appartiens.
Les mots-obus ne font pas une ligne politique
Tout au long de ce congrès, dans un contexte difficile, lié à la fois à des nouvelles règles bien trop complexes, et au fait que notre groupe s’est créé il y a seulement quelques mois, sans personnalités très identifiées par l’opinion publique, nous n’avons cessé de défendre une ligne politique claire. Celle d’une écologie de gouvernement, désireuse d’être ambitieuse et crédible sur tous les sujets qui touchent à la fois à la marche du monde et au quotidien des françaises et français. Ce positionnement, qui nous a amené à aborder des thèmes peu mis en avant par les écologistes, comme les sujets régaliens, nous a régulièrement valu certaines caricatures. Et je voudrais y revenir ici un instant, car il me semble justement que ces caricatures disent quelque chose d’important sur le chemin minoritaire que prend la gauche ces dernières années.
Face aux urgences, climatiques et sociales notamment, mais aussi suite aux mauvais souvenirs laissés au « peuple de gauche » par le quinquennat de François Hollande, l’injonction à la « radicalité » est forte à gauche. C’est d’abord une radicalité sémantique qui est attendue, dans les termes employés : « anticapitalisme », « décroissance », « antifascisme » etc. font fureur dans les congrès et valent à l’orateur ou l’oratrice des applaudissements nourris. Ces « mots-obus », pour reprendre le concept de Serge Latouche, visent à interpeller. Ce sont des bannières, des mots d’ordre, qui créent sans doute un langage commun entre militantes et militants, mais qui ne permettent pas de clarifier une ligne politique.
En effet, Latouche les décrit avant tout comme des « horizons de sens, vers lesquels chacun chemine comme il l’entend ». Dit plus simplement, il y a différentes manières d’être anticapitaliste, d’être décroissant ou d’être antifasciste. Il y a différentes stratégies politiques pour mettre en échec le système économique et social dominant et faire émerger des alternatives. Lorsque l’on rentre dans les détails des propositions politiques des uns ou des autres, ou plus simplement dans l’éthique de la façon de « faire de la politique », on se rend en réalité souvent compte que les plus radicaux ne sont pas toujours celles et ceux auxquels on pense. Ou aussi que la radicalité est bien souvent une posture qui permet d’échapper à la complexité de la mise en oeuvre concrète des politiques publiques. La conquête du pouvoir permet des libertés de ton et d’action que l’exercice du pouvoir rend impossible. J’y reviendrai dans un prochain article.
Les faiblesses du Nouveau Front Populaire
Le congrès écolo qui vient de s’achever a-t-il permis de trancher sur la stratégie politique à adopter ? En tout cas, les résultats des votes des militantes et militants montrent une volonté de poursuivre absolument le Nouveau Front Populaire sous sa forme actuelle. Avec l’idée qu’il serait la seule solution pour empêcher l’extrême-droite d’arriver au pouvoir. Ce choix doit être respecté, et Marine Tondelier, forte de la légitimité que lui donne sa victoire, a le mandat pour tenter d’y parvenir.
En ce qui me concerne, je reste sceptique sur cette stratégie pour deux raisons principales. La première est liée au fait que le NFP est une proposition politique qui aujourd’hui parle plus aux sympathisantes et sympathisants de gauche qu’à une majorité de la population en France. Faire 30% des votes aux dernières législatives est insuffisant pour espérer la victoire dans les mois ou années à venir. Et on ne parlera pas au plus grand nombre en usant de mots-obus qui résonnent peu dans le quotidien des catégories populaires et moyennes, et qui ne parviennent pas à masquer les divergences qui existent au sein de l’alliance de gauche, la privant de la clarté minimale qui est indispensable pour espérer rassembler autour de soi.
Car c’est la seconde raison de la faiblesse de la stratégie NFP : ce n’est pas une ligne politique, c’est une coalition de partis où aujourd’hui se dessinent, pour aller vite, deux grandes tendances. Une tendance autour de Jean-Luc Mélenchon, hostile à l’approfondissement de la construction européenne, partisane certes d’une transformation radicale de notre système économique, mais pilotée de manière très peu démocratique (le fonctionnement de La France Insoumise en est l’illustration parfaite). Et une autre tendance, qui prend les contours de ce qui s’appelait à la fin des années 1990 « la gauche plurielle », la domination socialiste en moins. Une gauche majoritairement pro-européenne, attachée à la démocratie représentative, qui part des contraintes du système de production existant pour le faire évoluer fortement vers plus de justice et d’écologie.
Les écologistes ne doivent pas seulement parler d’écologie
Je suis clairement de cette seconde tendance, et je considère que c’est aussi le cas de mon parti, les écologistes. J’aurais aimé qu’il le prouve à l’occasion de ce congrès. Car en politique, la force va souvent à la force, et des messages clairs envoyés de notre part à la direction de la France Insoumise revendiquant notre profond attachement à l’Europe, à l’Etat de droit, à l’universalisme républicain, à la décentralisation, auraient été très importants pour construire une union sur des bases plus claires et rassembleuses. Les gauches ne sont pas, par essence, irréconciliables, mais il y a nécessairement des choix importants à faire sur le projet politique.
L’heure des choix, pour les écologistes, comme pour l’ensemble de la gauche, est encore à venir. Notamment pour tenter de répondre à la question principale qui nous est posée en tant que partis politiques : comment gagner les élections ? Pour les municipales, il est évident qu’il est à la fois impossible et non souhaitable d’opter pour une stratégie unique dans toutes les villes et tous les villages. Aux élu.es et militant.es locaux de décider au cas par cas. Pour les législatives et la présidentielle, c’est bien différent. La dynamique unitaire se construira au niveau national, et doit nécessairement partir d’un projet commun.
Aussi, dans un paysage politique où aucune personnalité ne s’impose à gauche pour emporter la présidentielle, ni même pour franchir le cap du premier tour, il faut maintenant nous concentrer sur la méthode d’élaboration d’un projet commun, et sur celle de désignation d’une candidature d’union. Comment faire autrement qu’une primaire ? J’y suis favorable, mais sur une base programmatique claire, comme je l’expliquais il y a quelques semaines dans L’Express.
Ce processus de primaire à gauche sera je l’espère le moment de la clarification nécessaire. Celui de la convergence d’une gauche, qui de Ruffin à Glucksmann en passant évidemment par les écolos, saura se retrouver sur l’essentiel. L’Europe, la République et l’Etat de droit, l’économie au service de l’intérêt général planétaire. Une gauche qui saura aller au delà des querelles sémantiques pour s’accorder sur quelques politiques publiques prioritaires qui amélioreront concrètement et fortement le quotidien de celles et ceux qui souffrent, et protégeront notre environnement.
Photo : Margot L’Hermite