Était-il raisonnable d’attendre quelque chose de positif des annonces de François Bayrou pour réduire le déficit public et relancer l’activité ? Franchement, non. Premier Ministre ne devant le maintien à son poste qu’à la droite (qu’elle soit macroniste ou LR), et à l’extrême-droite qui ne le censure pas pour l’instant, il était clairement irréaliste d’espérer de sa part une politique de gauche écologiste.
Pour autant, ce qui frappe dans les annonces d’hier, c’est qu’une fois encore ce sont de vieilles recettes néo-libérales qui sont proposées. Bayrou et les hauts fonctionnaires qui le conseillent manquent-t-ils donc à ce point d’imagination ?
D’abord, travailler plus pour produire plus, nous disent-ils pour la millième fois. Mais pour produire quoi ? Et dans quelles conditions ? Il est pourtant évident qu’à l’heure de l’urgence écologique, il faut prioriser certains secteurs, ceux relatifs à nos besoins essentiels, et ceux les moins polluants. D’autres secteurs productifs devant, eux, décroître. C’est sur cette première base qu’il faut faire des projections de PIB, de dépenses et de recettes publiques. Une économie nationale se doit d’être pilotée, ce n’est pas juste une simple recherche d’équilibres comptables. Seul le secteur de la défense fait l’objet d’une priorisation, ce qui n’est absolument pas suffisant.
Et le travail ? Bien-sûr que le sous emploi des jeunes et des seniors engendre des pertes de revenu national. Mais les études sérieuses montrent que ce n’est pas en surveillant et sanctionnant les chômeurs que l’on favorise le plus l’emploi, mais bien en travaillant d’une part à l’attractivité des emplois (rémunération, qualité et sens du travail), et d’autre part, en suscitant par une politique incitative l’activité économique qui génère de nouveaux emplois (la fameuse approche « par la demande » décrite par les économistes).
Hélas, il faut subir les annonces de Bayrou de mesures « coups de rabot », qui consistent à sabrer de manière homogène dans les dépenses : suppression de jours fériés, non remplacement de fonctionnaires, gel du barème des impôts, des prestations sociales et des retraites…On connaît la chanson.
Et la justice sociale dans tout ça ? Le Premier Ministre, après avoir dit lui-même au pupitre qu’il fallait que les plus favorisés contribuent plus à l’effort collectif, annonce une « contribution de solidarité » pour les plus hauts revenus sans aucun contour précis, alors même que la taxe Zucman proposée par des députées de gauche et défendue par des économistes renommés comme Olivier Blanchard ou Jean Pisani-Ferry, anciens soutiens du Président Macron, pourrait permettre de rapporter 20 milliards soit la moitié de l’effort budgétaire annoncé par Bayrou…
Ajoutez à cela les plus de 5 milliards d’euros d’économies demandées aux collectivités locales, qui sont les principaux moteurs de l’investissement public, et les échelons institutionnels les moins impopulaires auprès des françaises et français car ceux de la proximité, vous obtenez un tableau final bien désespérant de cette conférence de presse pompeusement intitulée « le moment de vérité ».
Pourtant, il y en aurait des réformes structurelles à proposer pour faire des économies ou générer de nouvelles recettes. Par exemple, en rationalisant et critérisant les aides publiques au secteur privé. Tout en le protégeant davantage de la concurrence des pays à bas coûts de production afin de sortir d’une économie ouverte aux quatre vents qui ne tient que sous perfusion d’argent public. 200 milliards annuels d’aides aux entreprises quand même…Il serait également utile de réduire le mille feuilles territorial français en supprimant un échelon de collectivités locales et en stoppant les doublons en matières de compétences. On peut aussi mener une lutte résolue contre la fraude et l’évasion fiscales. Bref, ces propositions, non exhaustives, sont pourtant déjà bien documentées mais superbement ignorées par le pouvoir en place, qui préfère persister dans une politique d’austérité qui creuse pauvreté et inégalités et donc casse l’activité économique.
Que restera-t-il de ces annonces à l’automne au moment des débats budgétaires dans une Assemblée Nationale usée par une absence de majorité et des échanges à couteaux-tirés ? L’avenir nous le dira mais clairement le pays ne peut espérer avancer dans un tel contexte politique. Il faut attendre les prochaines échéances électorales nationales pour que cela bouge…dans la bonne direction, espérons. Les françaises et français décideront. Ayons du solide à leur proposer.
Photo : capture d’écran BFM TV